Ancien Directeur Général du Bureau des Mines et de la Géologie du Burkina(BUMIGEB), ancien Directeur Général de la mine d’or de Poura et ancien Ministre de l’Eau, Monsieur Nongodo Joseph Ouédraogo un des témoins et acteurs de premier plan de l’histoire minière du Burkina Faso. Dans cet entretien il porte un regard sur le développement de l’information géologique.
Quel est votre parcours ?
Je suis arrivé au BUMIGEB le 21 décembre 1975 comme ingénieur de terrain et on a créé le BUMIGEB en mai 1978. J’ai assumé des fonctions de Directeur général au BUMIGEB de juin 1984 à juin 1986, puis de mars 1993 à septembre 1993. De juillet 1986 à octobre 1990, j’étais Directeur général de la mine d’or de Poura, et de septembre 1993 à juin 1995 j’occupais les fonctions de Ministre de l’eau.
Au Burkina Faso, on voit que l’information géologie est plus développée que dans les pays voisins, est ce qu’il ya des faits historiques qui expliquent cela ?
Il faut dire que les cadres du BUMIGEB très rapidement se sont rendu compte de la faiblesse des moyens mis à leur disposition pour la recherche minière au Burkina. Face à l’importance du potentiel géologique, le BUMIGEB et des partenaires techniques ont réfléchi pour trouver des moyens adéquats pour mener les recherches, c’est ce qui a conduit à la création du BUVOGMI en mai 1978 devenu BUMIGEB en 1984 suite au changement de nom du pays sous la révolution. Heureusement avec l’aide obtenue, nous avons pu intensifier l’exploration qui a conduit à des découvertes de gites dès les premiers moments.
Comment se développait l’information géologique du Burkina avant la création du BUVOGMI ?
L’information géologique était essentiellement obtenue à partir des travaux au sein des projets nationaux financés par des partenaires techniques et financiers comme le PNUD, l’Allemagne, le Canada, la France, les Pays Bas, etc., et d’autres part avec la cartographie géologique menée avec très peu de moyens par des géologues nationaux à Sebba, Ouahigouya, Diapaga, etc. C’est à travers cela que nous avons pu acquérir les données.
Comment avez-vous réussi à mobiliser tous ces fonds pour pouvoir lancer une recherche minière dans un pays qui était essentiellement agricole ?
Il y avait déjà des exploitations minières menées au Burkina pendant la colonisation comme le cuivre de la région de Gaoua, l’or de Poura, l’or de Youga, etc. Avec l’arrivée des premiers cadres de haut niveau du domaine vers 1966 et les travaux menés par la suite, il a été défini des contextes géologiques similaires à d’autres pays miniers et à ceux qui contenaient les gisements et gites connus, ce qui a mieux orienté les recherches minières d’où les découvertes évoquées plus haut.
Dans quelles conditions travailliez-vous et quels étaient les moyens dont vous disposiez ?
Dans des conditions difficiles. Mes aînés géologues se « tapaient » les 20 à 25 km par jour de cartographie à pieds semble-t-il. Moi je m’en faisais 07 à 12 km par jour selon la méthode de géophysique employée. Nous restions sur le terrain en dormant sous la tente ou sous les arbres, au moins 21 jours par mois et au début sans aucune indemnités de mission.
Quel a été le rôle de l’information géologique développée par le BUMIGEB dans l’essor actuel du secteur minier ?
Le rôle du BUMIGEB a été très important dans le domaine de l’information géologique car c’est là qu’on trouve l’essentiel des informations de base. En effet le BUMIGEB est responsable de l’acquisition, de la conservation, de la gestion et de la diffusion des informations géologiques et minières du Burkina.
Comment appréciez-vous le développement actuel du BUMIGEB ? Quels sont selon vous ses défis ?
Le développement actuel du BUMIGEB est satisfaisant car c’est maintenant un service géologique national performant avec beaucoup de jeunes cadres auxquels il faudrait cependant donner des formations complémentaires spécialisées et pointues. Les défis du BUMIGEB sont de poursuivre et intensifier les recherches pour mettre à jour de nouveaux gisements miniers afin de maintenir et d’améliorer le niveau de production minière essentiellement aurifère connu aujourd’hui. Le potentiel existe, la volonté politique existe, certains appuis financiers existent notamment du côté de la Banque mondiale, le personnel est jeune et dynamique, autant d’atouts dont dispose le BUMIGEB pour relever les défis.
Quels ont été les acquis importants du BUMIGEB à l’époque ?
Les acquis importants du BUMIGEB à son temps sont nombreux et j’en citerai quelques uns seulement : la modernisation de l’exploration par l’utilisation des méthodes modernes, les découvertes de multiples indices et gîtes dont certains ont donné des gisements (sulfures massifs en zinc de Perkoa, gisements d’or de Taparko, Bouroum, Inata, etc.), l’appui à la formation de cadres supérieurs par la fourniture de bourses d’études et l’encadrement sur le terrain d’étudiants, la conduite à titre expérimental de petites exploitations minières (or de Guiro, antimoine de Mafoulou), etc.
Avez-vous des regrets ?
Je n’ai pas de regrets en ce qui concerne le secteur minier car mon souhait le plus ardent était de vivre assez longtemps pour voir fonctionner une mine industrielle. En effet, la plupart de nos décideurs et compatriotes de l’époque ne croyaient pas à ce que nous prévoyons comme avenir minier pour ce pays et qui est une réalité aujourd’hui.
Parlant de développement comment appréciez-vous le développement actuel du BUMIGEB ?
Le BUMIGEB est bien développé parce que c’est devenu un service géologique national performant avec beaucoup de jeunes cadres. Actuellement le BUMIGEB dispose de matériels techniques qui permettent de travailler au niveau de la géologie de la géophysique, de la topographie, des sondages et forages, et même au niveau de l’entretien. En plus de cela, le BUMIGEB dispose d’un laboratoire doté de matériels très performants pour réaliser des analyses multiéléments des dosages et diverses déterminations et même pour certains essais de traitement. Sur le plan de la gestion et la diffusion de l’information, le BUMIGEB avec l’appui de la Banque mondiale vient de moderniser et mettre en ligne son système information géologique et minière (SIGM)
Cependant beaucoup de défis sont encore à relever. Du point de vue des capacités, il faudrait renforcer la formation des jeunes par des spécialisations, moderniser les équipements, remplacer le matériel et réfectionner et augmenter la capacité des bâtiments.
Parlant de formation, selon vous quels sont les domaines dans lesquels l’Etat gagnerait à mettre plus d’effort ?
L’État met les bouchés doubles dans les formations de base (Bac+4 ou 5) mais il y a des formations spécialisées et pointues qu’on ne peut pas réaliser à l’heure actuelle au Burkina donc l’État gagnerait dans un premier temps à sélectionner des étudiants d’un certain niveau (Bac+2 ou 3) dans les sciences, mathématiques, physiques, et les envoyer à l’extérieure pour des formations pointues. Dans un deuxième temps l’État devrait promouvoir et soutenir l’idée de la création au Burkina d’une école spécialisée dans les formations en métiers de la mine. En effet, pour l’exploitation minière, le manque d’ingénieurs spécialisés et surtout d’ouvriers qualifiés est criard.
Quels conseils donneriez-vous à ceux qui occupent actuellement les responsabilités au niveau du BUMIGEB ?
D’abord le perfectionnement des cadres, l’engagement à toujours bien travailler avec la fierté de découvrir quelque chose, le renouvellement des équipements, la réalisation d’intenses campagnes de prospection minières à partir des données géo scientifiques récemment acquises grâce à l’appui de la Banque mondiale.
Le Burkina est a douze mines présentement, est-ce qu’il était judicieux de les ouvrir toutes en même temps ?
Même si on a cent mines, il faut les ouvrir tant quelles sont rentables. C’est préférable de les ouvrir et se faire de l’argent qu’on pourrait par exemple investir dans le développement durable.
Service de Communication