Tidiane René Barry est l’actuel président de la Chambre des mines du Burkina depuis janvier 2017 et ce, pour deux ans. Son mandat est renouvelable une fois. Le lundi 27 août 2018, il a accordé une interview à Burkina 24. Les questions sécuritaires, assez sensibles comme l’a dit l’invité, a été au cœur l’entretien. Par ailleurs, il est revenu sur la vie de la Chambre des mines, institution qu’il dirige et nous a également entretenus sur la tenue prochaine de la Semaine des activités minières de l’Afrique de l’Ouest (SAMAO).

 

Burkina 24 (B24) : D’une manière générale comment se porte le secteur minier au Burkina Faso en ce moment ?

Tidiane Barry (T.B) : Au niveau conjoncturel on observe depuis quelques semaines une baisse du cours de l’or qui est le principal minerai exploité au Burkina Faso et nous savons combien les sociétés minières sont sensibles à la variation du cours de l’or au niveau de leur rentabilité. La situation présente un défi assez important pour les sociétés qui sont au Burkina Faso.

Mais ceci dit, de manière globale, le secteur se porte plutôt bien. Cette condition relève notamment d’un climat des affaires qui tient et bien attendu des relations positives qui existent au niveau de cette industrie, entre les sociétés minières et les différentes parties prenantes dont le gouvernement.

B24 : Cela fait maintenant plus d’une année que vous présidez la Chambre des mines, est-ce que vous avez pu dérouler votre programme malgré vos nouvelles responsabilités à Iamgold qui vous ont amenés au Canada ?

T.B. : Le programme d’activité de la Chambre des mines se déroule très bien. Il faut savoir que chacun des membres de la structure joue sa partition. Le Conseil d’administration est composé de professionnels des sociétés minières qui exercent à plein temps leurs activités au sein de leurs sociétés. Ils apportent leur contribution à la Chambre des mines en tant que  bénévoles.

Mais il faut préciser que la Chambre des mines dispose d’une Direction exécutive avec un staff qui est permanent et dédié aux activités de la Chambre. D’ailleurs, cette direction constitue l’ossature de la gestion de notre organisation. Avec ce modèle, bien entendu les nouvelles activités que j’ai au sein du groupe Iamgold n’entravent pas  le fonctionnement et le déroulement du programme  de l’institution..

B24 : Ces derniers temps, certaines zones minières qui sont en proie à certaines attaques, cela ne détériore pas l’assurance des investisseurs ?

T.B. : Les questions d’insécurité ne sont jamais rassurantes pour les investisseurs. Par contre ce qui est rassurant, c’est quand les investisseurs pensent que ces questions sont prises à bras le corps et qu’il y a une réponse qui est apportée de la part des autorités compétentes. C’est le résultat final que les investisseurs attendent et cela est vraiment important car c’est un des facteurs qui peut représenter un frein à l’investissement direct étranger dans notre pays et ce n’est pas seulement dans le secteur minier.

B24 : La sécurité est présente sur les sites miniers, on a la création de l’Office national de sécurisation des sites miniers (ONASSIM). Peut-on dire que les moyens sont conjugués pour rassurer les investisseurs ?

T.B. : Oui, je pense que la création, il y a quelques années de l’ONASSIM a été une réponse positive. Maintenant, il faut vraiment travailler à son opérationnalisation. Il faut que de façon concrète, elle soit un élément de dissuasion ou de réaction  en cas d’attaque des intérêts miniers.

B24 : Pour revenir à la structure que vous dirigez, la Chambre des mines est considérée par certains Burkinabè comme le syndicat des sociétés minières, qu’en dites-vous ?

T.B. : Le terme syndicat n’a pas une connotation négative à mon sens surtout quand il s’agit d’une industrie qui est devenue depuis une décennie le moteur du développement économique de notre pays, c’est  plutôt positive.

Ceci dit, il faut savoir qu’au-delà de la défense des intérêts de ses membres, la mission de la Chambre des mines du Burkina intègre la promotion pour un secteur minier compétitif et créateur de richesses, mais également d’optimisation dans  le partage de cette richesse au sein de toute la communauté nationale. On dirait plutôt que nous sommes un syndicat de l’ensemble des parties prenantes par rapport à la gestion des ressources naturelles dans notre pays.

 

B24 : Justement, en rapport avec la répartition des richesses, chaque année les recettes se chiffrent en milliards de F CFA. Pour exemple, l’or a rapporté 226 milliards de F CFA en 2017. Où va l’argent de l’or ?

T.B. : On se rappelle qu’il y a quelques années la grande question était surtout de savoir s’il existe réellement des retombés, de la richesse générée par l’exploitation minière pour la communauté nationale. On voit que la question a dérivé aujourd’hui. Il faut dire que des outils comme l’ITIE (Initiative pour la transparence dans les industries extractives)  sont venus apporter une  grande partie de la réponse à cette interrogation.

Aujourd’hui, la question a plutôt dérivé vers où va l’argent de l’or.  Cela suppose qu’on a accepté qu’il y a de l’argent généré par cette industrie. Alors où va l’argent de l’or ? Pour nous, c’est une interrogation  qui s’ouvre sur la confirmation de l’ensemble des priorités de développement qui peuvent exister dans un pays comme le Burkina, et de l’arbitrage que notre gouvernement perçoit par rapport à l’utilisation de cette richesse générée. Je dirai fondamentalement que c’est une question qui traverse notre gouvernement et bien entendu à la vision de qu’il se fait de l’utilisation de la richesse générée par les entreprises minières du pays.

B24 : A travers la commission d’enquête sur les mines, il a été révélé qu’il y a des problèmes avec le fonds pour la réhabilitation de l’environnement. Que devient ce fonds ?

T.B. : Effectivement, c’est une question qui est fondamentale parce qu’il n’est pas normal qu’après dix ans de maturité au niveau de l’exploitation minière dans notre pays, la question du fonds de réhabilitation de l’environnement ne soit pas encore totalement résolue. Ceci dit, nous savons qu’il est en bonne voie d’être opérationnel. Le processus réglementaire par rapport au fonctionnement de ce fonds a été complété donc il faut passer à son opérationnalisation. La Chambre des mines a eu un écho positif de la part du gouvernement et nous pensons que cette année, la question du fonds minier de réhabilitation sera résolue.

B24 : Donc les générations futures peuvent être rassurées que les mines en exploitation ne laisserons pas de bombe environnementale en fin d’exploitation…

T.B. : C’est l’objectif du fonds de réhabilitation. Ce sont des conditions qui relèvent même des bonnes pratiques dans la gouvernance, la gestion des ressources naturelles. Effectivement, il faut que ce fonds soit opérationnel le plus rapidement possible non pas seulement pour les générations futures mais aussi pour les générations présentes. Il y a des contraintes environnementales qui concernent même le citoyen au stade actuel.

B24 : La Semaine des activités minières de l’Afrique de l’Ouest se tiendra en septembre 2018. Parlez-nous de la rencontre des acteurs du secteur.

T.B. : Effectivement la SAMAO est prévue se tenir en septembre et la grande innovation est que le gouvernement a décidé d’associer les acteurs privés comme la Chambre des mines  à l’organisation de la SAMAO. Nous pensons que c’est une excellente initiative car l’un des objectifs de la SAMAO c’est la promotion de l’industrie minière de notre pays. Et quand on parle de promotion, les acteurs privés sont des ambassadeurs pour la promotion de l’industrie minière.

Egalement, les différentes thématiques qui sont développées, tout ce qui est relatif au contenu local, à l’emploi, à la fourniture locale des biens et services miniers doivent être portées par  les acteurs privés. Une activité comme la SAMAO ne peut pas se faire sans une participation à plein régime des acteurs privés du secteur.

B24 : Quel est votre mot à l’endroit des acteurs du secteur tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays ?

T.B. : Je veux seulement témoigner d’une expérience positive. Le Burkina Faso, bien que son industrie minière soit très récente a su mettre en place tout un système de bonne gouvernance de ses ressources naturelles. Le Burkina Faso a réussi à mettre en place le cadre qu’il faut pour des discussions vertueuses et positives entre l’ensemble des parties prenantes à savoir les sociétés minières, le gouvernement, les communautés locales, la société civiles et également les entreprises du pays qui sont des fournisseurs du secteur.

Nous exhortons l’ensemble des acteurs à continuer dans cette dynamique du dialogue, de bonnes pratiques qui peuvent amener notre secteur à devenir plus compétitif, prospère et générateur de richesses pour l’ensemble de la communauté nationale.

Propos recueillis par Ignace Ismaël NABOLE

Burkina 24

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